jeudi 26 juillet 2012

Le rapport Brodeck, Philippe Claudel

Le rapport de Brodeck - Prix Goncourt des lycéens 2007Brodeck est un homme simple,  "Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde sache.", qui a pourtant vécu le pire, il est la victime des atrocités qu'a engendré le XXe siècle : il est orphelin de la première guerre mondiale, recueilli par une femme qui l'élève dans un village reculé de l'est, il est envoyé à la capitale pour faire des études, là bas il est le témoin de la nuit de Cristal, de retour au village où il est rentré avec son épouse, il est dénoncé par les villageois et emmené dans un camp de concentration. Quant il revient de l'enfer alors qu'on le croyait mort, il retrouve sa femme aveugle, chantonnant toujours le même air et mère d'une petite fille...  C'est dans ce contexte d'après guerre où les blessures, les drames ne sont pas encore oubliés, qu'arrive l'Anderer, c'est à dire l'étranger que les hommes du village vont tués parce qu'il a su percer leurs âmes et qu'ils vont être amenés à demander à Brodeck d'écrire dans un rapport ce qui s'est exactement passé.

C'est le 3e roman de Philippe Claudel que j'ai été amené à lire, on y reconnaît bien son style même si j'ai trouvé le début un peu fastidieux, j'ai été par la suite complètement happé par l'histoire. Comme dans les deux autres romans que j'ai lu de cet auteur, l'Histoire sert de toile de fond, et dans chacun de ces trois romans de Philippe Claudel évoque une guerre, mais c'est simplement suggéré, de même que les lieux, il ne s'agit nullement d'un livre d'histoire. 


On apprend rien dans ce livre que l'on ne connaisse déjà sur les évènements évoqués, pour autant l'auteur sait décortiquer l'âme humaine comme peu savent le faire, il sait nous montrer ce qu'il y a de pire en nous, il nous décrit l’horreur, la lâcheté avec justesse et malheureusement réalisme.


Ce n'est pas un roman facile, il n'est pas amusant, mais c'est un roman nécessaire et magnifiquement bien écrit :
"Je m'appelle Brodeck, et je n'y suis pour rien. 
Brodeck, c'est mon nom. 
Brodeck.
De grâce, souvenez-vous.
Brodeck"


"Les hommes sont bizarres. Ils commettent le pire sans trop se poser de questions, mais ensuite, ils ne peuvent plus vivre avec le souvenir de ce qu'ils ont fait. Il faut qu'ils s'en débarrassent. Alors ils viennent me voir car ils savent que je suis le seul à pouvoir les soulager, et ils me disent tout. Je suis l'égout, Brodeck. Je ne suis pas le prêtre, je suis l'homme égout."


"Je n'ai pas toujours bu, Brodeck, tu le sais bien. Avant la guerre, l'eau était mon quotidien, et je savais Dieu tout à côté de moi. La guerre... Peut être les peuples ont ils besoin de cauchemars. Ils saccagent ce qu'ils ont mis des siècles à construire. On détruit ce qu'hier on louait. On autorise ce que l'on interdisait. On favorise ce que jadis on condamnait. La guerre, c'est une grande main qui balaie le monde. C'est le lieu où triomphe le médiocre, le criminel reçoit l'auréole du saint, on se prosterne devant lui, on l'acclame, on l'adule. Faut-il donc que la vie paraisse aux hommes d'une si lugubre monotonie pour qu'ils désirent ainsi le massacre et la ruine? Je l'ai vu bondir du gouffre, cheminer sur son arête et regarder avec fascination l'horreur du vide dans lequel s'agitaient les plus viles passions. Détruire! Souiller! Violer! Égorger! Si tu les avait vus..."

4 commentaires:

  1. J'ai découvert Claudel avec ce roman, ça a été un gros coup de coeur.

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    1. je l'ai découvert avec la petite fille de monsieur linh et il reste celui que j'ai préféré, sûrement parce qu'il est moins dense que les âmes grises et le rapport brodeck.

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  2. J'ai beaucoup aimé "Les âmes grises", le style de Claudel m'a saisie d'emblée, j'aime beaucoup. J'ai lu aussi "L'enquête", mais ça n'a rien à voir, beaucoup plus froid. Celui-ci me tente aussi.

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    1. j'ai moins été touché par les âmes grises que par celui ci, mais il est incontestable que claudel n'a pas son égal pour dévoiler l'âme humaine...

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